Convention annuelle : La révolution de la mobilité grâce au numérique - « Plus de choix, plus d’acteurs, plus de données... pour un citoyen au cœur du service »
A quelques semaines de l’ouverture du débat parlementaire sur la loi LOM, Trans.Cité a choisi l’Irlande pour la tenue de sa 29e convention annuelle. A l’invitation de Pascal Bolo, président de Trans.Cité (*) et 1er adjoint au maire de Nantes, 140 élus et acteurs des transports hexagonaux et européens ont travaillé sur la question du recueil, du partage et de l’exploitation des données. Elles sont au cœur de la création d’une offre de mobilité au plus près des usages, alternative à la voiture autosoliste. Quant à l’usager, grand pourvoyeur passif et actif de ces données, il aspire à devenir un acteur à part entière d’une mobilité co-construite.
« Après avoir travaillé sur les bouleversements induits par le numérique (à Reims), puis sur les solutions innovantes d’accès au dernier kilomètre (à La Rochelle), Trans.Cité a choisi de s’interroger à Dublin sur la place de l’usager et du citoyen dans la révolution du numérique, et ce, quelques jours après la parution du dernier rapport du GIEC », indique Pascal Bolo. Le GIEC dresse des perspectives sombres pour la planète. Des transformations rapides et de grande ampleur sont indispensables pour contenir le réchauffement à 1,5°C d’ici à 2040 et réduire les émissions de GES mondiales de 40 % par rapport à 2010 d’ici à 2030.
Comment engager ce changement de comportement et de posture, voire de paradigme, au rythme demandé ? Dublin, ville en pleine croissance, parie sur « la mise en service en 2027 de MetroLink et sur l’interaction de ces différents réseaux de transports pour décongestionner la ville et répondre de manière durable à la très forte extension de son périmètre », explique Anne Graham, CEO de la National Transport Authority.
« Une bascule majeure est à venir autour du numérique et de l’énergétique dans les mois à venir. Le croisement des données publiques et privées permettra d’induire les indispensables changements de comportement des usagers », prédit Yann Mongaburu, président du SMTC de la métropole grenobloise. « On observe d’ailleurs une compétition sur la donnée et sur la disruption par la donnée au niveau international comme le montrent les montants de capital-risque qui ont été multipliés par six en quatre ans», confirme Raphaël Cariglio, directeur adjoint de l’innovation du groupe Transdev. Cette « disruption » technologique et digitale est déjà bien réelle même si ces impacts ne se matérialisent que progressivement.
De l’open-data au data-service
L’obligation d’ouverture des données d’intérêt général, inscrite dans la future LOM, s’imposera aux AOM, aux entreprises de transport, aux gestionnaires d’infrastructures, aux gestionnaires de voirie comme aux fournisseurs de service de transport à la demande. Le déploiement de l’open-data devra servir à accélérer le développement de nouveaux services numériques.
Toutefois, la transformation numérique n’est rien d’autre que l’utilisation et l’exploitation radicale des possibilités d’internet grâce à la révolution de la connectivité et à la puissance de calcul derrière l’intelligence artificielle. Le travail autour de la donnée est déjà fortement engagé par les acteurs et les opérateurs qu’ils soient publics ou privés. Il permet de mieux comprendre et valoriser l’expérience client, de « raisonner en termes d’usage et non de modes de transport, de créer du lien et de faire de la personnalisation pour améliorer les solutions », comme le souligne Stéphane Schultz, conseil en stratégie et innovation, fondateur de l’agence 15marches. Autrement dit, de sortir d’un message généraliste pour pouvoir engager le report modal.
L’exploitation de l’analyse de l’expérience client, qu’elle soit vécue ou numérique, se traduit déjà très concrètement au travers :
- du déploiement d’offres optimisées d’information et de guidage en temps réel avec des applications comme Moovizy1/Moovizy2 qui irriguent Saint-Etienne Métropole et son territoire ;
- de la mise en route du compte Mobilité à Mulhouse Alsace Agglomération pour concurrencer la voiture sur le terrain de la praticité ;
- du tracé de la nouvelle desserte individualisée de l’agglomération du Havre avec Flexi’lia, co-construite avec les passagers ;
- du tracé de la nouvelle desserte individualisée de l’agglomération du Havre avec Flexi’lia, co-construite avec les passagers ;
- de l’intégration dans l’écosystème des transports parisiens de vélos en free-floating avec Mobike et le partage des données avec la mairie de Paris en vue d’optimiser réseaux et infrastructures ;
- du développement de l’application Groupeer pour le comptage des enfants dans les transports scolaires grâce à l’auto-détection ;
- de la lutte contre les incivilités et la fraude à la Réunion grâce au partage des données dans les bus ;
- de l’analyse des flux de passagers à partir de la détection passive des Smartphones ;
- d’une fine exploration des réseaux sociaux autour de mots clés destinés à qualifier l’expérience client en s’immisçant dans les « conversations » des utilisateurs...
- de la création avec Wever d’une plateforme avec les usagers qui, au final, sont ceux qui connaissent le mieux les réseaux et possèdent les data...
Quant au véhicule autonome au déploiement programmé, Anne-Marie Idrac, ancienne ministre des Transports et haute responsable pour la stratégie nationale du développement des véhicules autonomes, pense « qu’il faut s’en saisir plus largement comme l’occasion de repenser certains sujets comme l’expérimentation des nouveaux modes, la question de la tarification des usages, la régulation... ».
Pour être durables, ces solutions devront se cristalliser dans un nouvel éco-système compétitif tandis qu’il faudra massifier et industrialiser l’accompagnement au changement. En outre, dans cette révolution numérique, il importera aussi « d’accompagner les collectivités dans la gestion des data pour qu’elles deviennent des smart mairies et des smart cities tout en faisant des AOM le centre de gravité d’une mobility at the service », comme le rappelle Pierre Aubouin, directeur du département Infrastructures et Transport à la Caisse des Dépôts et Consignations.
« Toutefois, veillons à ne pas recréer de nouvelles exclusions avec les nouvelles mobilités mais au contraire à assurer de nouvelles conditions de réussite », insiste Valérie Dreyfuss, déléguée générale du Laboratoire de la Mobilité Inclusive.
« Il faut effectivement ne pas opposer l’humain au numérique et ne pas perdre de vue que la mobilité doit être un facteur d’intégration sociale et de développement économique », conclut Daniel Fidelin (*), vice-président de la communauté d’agglomération havraise et maire de Montivilliers (76).
(*) A l’issue de cette 29e Convention, Daniel Fidelin a été élu pour trois ans nouveau président de Trans.Cité.