Impacts du Green Deal européen sur les mobilités

Alors que la France assure, depuis le 1er janvier et jusqu’à fin juin 2022, la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, Trans.Cité a organisé le 7 mars dernier une journée-débat consacrée au Green Deal européen. L’occasion de comprendre concrètement, sur fond de crise internationale, les enjeux, les impacts et les moyens d’action pour les mobilités du quotidien de cet ambitieux dispositif dont l’objectif est la neutralité carbone pour l’UE.

Cette nouvelle rencontre de Trans.Cité, placée sous la présidence de Pascal Bolo, président de la Semitan et de SGI Europe*, a réuni à Paris des experts, « cartographes » des réseaux de transport et des politiques européennes, ainsi que des acteurs de la mobilité dans les territoires. Si la guerre en Ukraine bouleverse les agendas français et européens, une forte demande des États membres s’exprime néanmoins pour ne pas suspendre mais, bien au contraire, accélérer les négociations actuelles sur la transition énergétique et écologique. « Le principal défi est de continuer à préparer nos sociétés aux enjeux majeurs qui nous font face : la crise internationale et la décarbonation des économies », a précisé Georgina Wright, directrice du programme Europe à l’Institut Montaigne.

Tenir le cap de la transition écologique malgré la crise

En réponse à l’accélération du changement climatique, un programme d’une ampleur inédite, le Pacte Vert pour l’Europe – ou Green Deal – a été officiellement présenté par l’exécutif européen, le 11 décembre 2019. « Il doit permettre au continent européen d’être le premier à atteindre la neutralité climatique en 2050. Des objectifs contraignants ont été inscrits dans la loi pour y parvenir de manière collective, par l’ensemble des États membres », aindiqué Carole Labbé, conseillère économique à la Commission européenne en introduction de la première table ronde. Les clés de compréhension de cette révolution engagée par Bruxelles ont été livrées grâce aux différents intervenants des deux premières tables rondes.

Un premier pas de réduction de 55 % des émissions de GES par rapport à 1990 est appelé à travers le paquet législatif « Fit for 55 », à l’horizon 2030. « Pour sa part, la France s’est fixée

 quatre grandes priorités : la décarbonation de son économie, la préservation de la biodiversité, l’accélération de la lutte contre les pollutions et la mobilisation en faveur d’une économie circulaire », a précisé Aude Charrier, sous-directrice de l’action européenne à la direction de l’action européenne et internationale au ministère de la Transition écologique.

Si le secteur des transports représente près de 30 % du total des émissions de GES de l’Union européenne, « 95 % proviennent du transport routier et la contribution de ce secteur aux émissions de GES ne cesse d’augmenter. Par conséquent, il s’agira tout à la fois d’éviter les déplacements en voiture non rationnels (moins de 3 km), de transférer vers des modes doux et non émetteurs, d’améliorer les technologies et les motorisations avec des énergies plus propres. Mais on ne peut pas mettre l’accent uniquement sur les technologies comme le propose le Fit for 55 », a insisté Mohamed Mezghani, secrétaire général de l’UITP.

De « Fit for 55 » au paquet « mobilité verte »

« Les principales mesures sur les transports du quotidien du « Fit for 55 » concernent une extension du marché du carbone au bâtiment et au transport routier, les deux seuls secteurs qui ont effectivement vu leurs émissions de GES augmenter entre 2014 et 2019. Une écotaxe, payée à partir de 2026 par les fournisseurs de carburants, permettra d’évoluer vers des systèmes moins polluants. Un premier fonds social pour le climat doté de 72 milliards d’euros assurera une équité sociale et une meilleure acceptabilité des ménages défavorisés. Dans une logique d’accélération de la décarbonation du secteur de l’automobile, la vente de véhicules légers neufs ne se fera en 2035 que sur des véhicules zéro émission de GES », a précisé Carlo de Grandis, policy officer DG CLIMA à la Commission européenne.

A ce premier paquet s’ajoute un second paquet, plus sectoriel et axé sur la « mobilité verte ». « Il intègre, entre autres dispositions, la révision des réseaux transeuropéens de transport, c’est-à-dire tout ce qui constitue l’ossature lourde des infrastructures multimodales », a souligné Joël Hamannn, chef de mission de coordination des affaires européennes et internationales de la DGTIM au ministère des Transports. Au programme figurent également des plans de mobilité urbaine ou encore l’accélération de la digitalisation de la billettique.

 « L’enjeu de ces nouvelles réglementations est aussi de densifier l’usage des infrastructures au niveau régional, de maximiser l’usage de la route car le ferroviaire ne couvre pas tous les besoins et d’identifier les meilleurs modes d’usage », a expliqué David Herrgott, conseiller transports chez Régions de France. « Il faut également trouver des financements dans des régions transfrontalières comme le Grand-Est pour les dessertes fines, les frontières constituant des freins à la fluidité des réseaux », ajoute Jean-Baptiste Laddi, de la direction générale des infrastructures, transports et mobilités à la Région Grand-Est. Quant aux Pays-Bas voisins, adeptes depuis longtemps des mobilités douces et pionnier en matière d’électro-mobilité sur le transport public, ils ont pu, grâce à l’implication institutionnelle État-AOM-délégataire, capitaliser sur cette avance en matière de transition écologique. « Le secteur des transports s’est engagé dès 2016 en faveur de l’achat exclusif de bus électriques ou zéro émission. De plus, en cherchant l’innovation et poussés par nos clients sur les questions environnementales, nous avons gagné des appels d’offres », Manu Lageirse, chief executive officer, Transdev Nederland.

« Qu’ils soient de gestion directe ou indirecte, les divers financements européens (Horizon Europe, Innovation Fund, InvestEU, FEDER…) viendront soutenir les réseaux de transport, les véhicules, la recherche et les technologies innovantes », a précisé Sophie Barbier, directrice Europe de la Caisse des Dépôts. Même si, dans certains cas, tout autant que l’accès aux financements, « la complexité de la réglementation peut aussi représenter un frein à la conversion des territoires à plus de neutralité carbone...», a tenu à rappeler Etienne Chaufour, directeur Île-de-France en charge de l’Éducation, des Mobilités et des Solidarités chez France Urbaine.

D’une manière générale, les financements ont vocation à irriguer tous les territoires et à faire de la transition énergétique une réelle source d’opportunités en termes d’emplois, de formation à de nouveaux métiers, d’innovation et de développement économique. « Cela se concrétise déjà dans l’Auxerrois grâce à des financements obtenus de l’Europe et de l’Ademe pour le renouvellement partiel de nos bus vers l’électrique. La mobilité verte et décarbonée est une réelle opportunité, mais elle a aussi un coût. Le retour sur investissement est difficile à dater pour un territoire rural de 29 communes. Nous raisonnons donc sur un écosystème et travaillons à un projet de technopole englobant toute la chaîne de valeur autour de l’hydrogène, énergie sur laquelle notre territoire est pionnier », a ajouté Crescent Marault, maire d’Auxerre et président de la Communauté de l’Auxerrois. 

En conclusion à ces échanges, Christiane Eckert, vice-présidente de Trans.Cité et présidente de Soléa, a plaidé pour « toujours plus de coopération à l’échelle des futurs bassins de mobilité, plus de mutualisation des moyens humains, plus d’ingénierie et encore plus d’Europe pour produire une mobilité résiliente, innovante et durable. »

* SGI Europe : partenaire social de la Commission européenne.

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