Les enjeux du vélo dans la chaîne modale des déplacements
Tandis que les coureurs du 109e Tour de France donnaient leurs premiers coups de pédale à Copenhague, Trans.Cité organisait simultanément son voyage d’étude à Valence les 30 juin et 1er juillet derniers. Marylène Peyrard, présidente de Valence-Romans Déplacements et maire de Montéléger, a accueilli un peloton composé de plus de soixante-dix élus et acteurs des transports publics autour de la place du vélo dans la mobilité du quotidien.
A l’occasion de ce nouveau voyage d’étude, Pascal Bolo a passé le guidon de la présidence de Trans.Cité à Luc François, vice-président transports et mobilités à Saint-Étienne Métropole et maire de La Grand’Croix.
La question du vélo s’invite avec une détermination inédite dans une France en pleine réflexion sur les enjeux de mobilité du quotidien et dans un contexte où se croisent transition écologique, pouvoir d’achat et aménagement du territoire. D’aucuns évoquent même un moment de bascule. Pour la première fois, sous la pression de la crise sanitaire, mais aussi sous l’effet des politiques publiques engagées, on constate que les briques d’un écosystème émergent sont progressivement mieux organisées et mobilisées autour du vélo. « Le Plan Vélo gouvernemental et ses trente mesures ont changé la donne et légitimé les acteurs dans le déploiement du vélo sur leurs territoires. Il ambitionne de tripler les déplacements en 2026 de 3 % à 9 % », souligne Thierry du Crest, coordonnateur interministériel pour le développement de l’usage du vélo à la Direction Générale des Infrastructures des Transports et de la Mer (ministère de la Transition Écologique). « Les programmes AVELO et AVELO2, déployés et renouvelés par l’ADEME, ont déjà permis d’accompagner 220 territoires depuis 2018, soit 16 millions d’habitants », rappelle Élodie Barbier-Trauchessec, animatrice mobilités émergentes au sein du service transport & mobilités à l’ADEME. Outre des pistes sécurisées, c’est tout un bouquet de services qui se met en place pour embarquer plus d’usagers (abris sécurisés, stations de gonflage, location longue durée, formation…).
Les études conduites par l’ADEME, le Baromètre des communes produit régulièrement par la Fédération des usagers de la bicyclette et de nombreux autres indicateurs permettent de mieux mesurer la poussée du vélo (déplacements domicile-travail, kilomètres de pistes cyclables, comptage des vélos, taux de cyclabilité des villes…). La mobilité entre dans un nouveau cycle. Le vélo s’affiche dans les centres-villes mais également dans les territoires moins denses et ruraux. Réelle alternative à la voiture, il est porteur de solutions dans la logistique du premier et du dernier kilomètre, se substitue progressivement aux véhicules utilitaires dans les ZFE, est créateur d’emplois non délocalisables. En outre, il est vecteur d’une mobilité inclusive pour tous les publics. Dans ce contexte porteur, « un nouveau Plan Vélo s’impose que nous estimons à 500 millions d’euros par an », revendique Vincent Dulong, délégué général de la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB).
De façon visible, les politiques cyclables s’activent, avec des clés d’entrées différentes selon les cas (tourisme, petite enfance, économie, santé…). De nombreuses intercommunalités témoignent de leur changement de braquet volontariste. « L’agglomération Valence-Romans a repensé son offre. Libélo est proposé comme un réseau cyclable structurant, avec un matériel renouvelé, une identité visuelle et une signalétique forte, des tarifs au plus près des usages réels », souligne Marylène Peyrard. « La métropole grenobloise renforce son travail sur un plan complet, homogène et financé, intégrant la ville-centre, mais aussi, les 92 communes voisines et porteur d’une réelle promesse de service sur les 49 km de voies dédiées Chronovélo », indique Damien Cottereau, chef de projet politique cyclable au sein de l’Aire Grenobloise. « Strasbourg ambitionne de devenir la première métropole européenne cyclable, sur le modèle de Copenhague, avec 120 km de nouvelles voies sécurisées et un réseau considérablement élargi grâce au VAE », précise Alain Jund, vice-président mobilité, transports, déplacements et politique cyclable de l’Eurométropole de Strasbourg. « Une offre Lovélo diversifiée (VAE, vélos pliants, vélos cargos, abris sécurisés, tarifs sociaux, intermodalité…), mise en place en septembre dernier sur la métropole Rouen Normandie, a su convaincre les usagers», explique Jean-Marc Magda, directeur général chargé des espaces publics et des questions de mobilité à la Métropole Rouen Normandie. Par ailleurs, les politiques vélo s’expriment dans un ensemble de plus en plus multimodal, condition nécessaire pour pouvoir changer de paradigme et abandonner la voiture autosoliste. L’Île-de-France n’est pas en reste avec le dispositif Véligo déployé à très grande échelle « puisqu’il couvre tout le périmètre francilien et s’appuie sur la location non reconductible d’un VAE sur 6 à 9 mois pour se familiariser à sa pratique », souligne Agnès Presberg, directrice générale adjointe en charge du développement Véligo location chez Fluow.
Parallèlement, des compétences multiformes se mettent en place pour soutenir territoires et entreprises de toute taille dans le déploiement des pratiques cyclables. Citons le Club des villes et territoires cyclables et marchables, présidé par Françoise Rossignol, première vice-présidente de la Communauté urbaine d’Arras, qui porte depuis de longues années l’étendard sur ces questions au nom d’un panel de collectivités.
« La mobilité active devient aussi un outil de santé publique à part entière », ajoute Sonia Baudry, du Secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales et maître d’œuvre du rapport parlementaire « Développer les mobilités actives pour lutter contre la perte d’autonomie », remis en mai dernier au gouvernement par le député Jean-Marc Zulesi
L’enjeu est à présent de consolider cet alignement d’opportunités et de s’appuyer sur le capital sympathie du vélo. « C’est pour cela que France Vélo, la filière économique du vélo, va devoir se constituer rassemblant tous les acteurs, afin de soutenir et consolider la montée en puissance des pratiques et créer de la valeur », indique Guillaume Gouffier-Cha, député du Val-de-Marne, auteur du récent rapport « Filière économique du vélo ». Des freins sont identifiés : foncier, conflits d’usage et nouveau partage de l’espace public, coût des différents aménagements de voirie… « Mais l’appétence, voire la passion, sont bien là, partagées par tous les acteurs. Initié depuis la crise sanitaire, renforcé par la crise énergétique actuelle, un consensus se dessine très nettement autour du vélo. Tout semble être en ordre de marche pour qu’il trouve désormais sa place et sa légitimité dans la chaîne modale des déplacements », a conclu Luc François, nouveau président de Trans.Cité, vice-président transports et mobilité de Saint-Étienne Métropole et maire de La Grand’Croix.
Nous remercions tous les intervenants : Elodie Barbier-Trauchessec - ADEME, Sonia Baudry -secrétariat général des ministères sociaux, Pascal Bolo - Nantes Métropole, Thomas Chenut - Vélo Utilitaire Français, Damien Cottereau - Syndicat Mixte des Mobilités de l’Aire Grenobloise, Nicolas Daragon, Valence Romans Agglo, Thierry Du Crest -DGITM, Vincent Dulong - FUB, Luc François - Saint-Etienne Métropole, Guillaume Gouffier-Cha -Val de Marne, Edouard Hénaut – Transdev, Clotilde Imbert - Copenhagenize, Alain Jund - Eurométropole de Strasbourg, Antoine Laporte-Weywada – Geovélo, Hugo Lentz - Velwat, Jean-Marc Magda - Métropole Rouen Normandie, Olivier Moucheboeuf - Union Sport & Cycle, Marylène Peyrard - Valence-Romans Déplacements, Agnès Presberg - Véligo location chez Fluow , Timothée Quellard – Ekodev, Françoise Rossignol - Club des villes et territoires cyclables et marchables, Corinne Verdier - Altinnova Bonson, Hervé Vitali – Drôme